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Banques de détail et Fintech : la coopération sera la clé

Par Simon Eid, managing principal chez Capco

L’émergence des Fintechs sur le terrain de la banque de détail n’a pas engendré la révolution attendue. En dehors des néo-banques, ces jeunes pousses de la finance sont encore loin d’être une menace pour des acteurs bancaires bien installés dans le paysage. Toutefois, les banques ne peuvent ignorer cette nouvelle concurrence et doivent s’orienter vers une coopération renforcée avec ces nouveaux acteurs.

Depuis quelques années, les Fintechs font souffler un vent nouveau dans le paysage bancaire. Portées par les nouvelles technologies et la démocratisation des smartphones, ces jeunes pousses de la finance – qu’elles évoluent dans l’univers du paiement, de l’épargne ou encore du financement participatif – ont su séduire un public jeune et hyperconnecté. Selon une analyse du portail de données américain FICO, 52 % des 18-26 ans privilégieraient des solutions fintechs à des modes de paiement traditionnels. Elles ne cessent ainsi de gagner des parts de marché en répondant à des besoins qui n’étaient pas ou peu couverts par les banques de détail traditionnelles.

Quatre grandes offres ont émergé de ce foisonnement d’innovations avec quelques succès vertigineux :

* Les solutions de paiement et de transfert d’argent, qui ont permis de simplifier et d’accélérer les opérations réalisées par les particuliers à un moindre coût. Avec 2 millions d’utilisateurs réguliers qui se remboursent entre amis ou paient chez des commerçants, la Fintech française Lydia est devenue une application incontournable chez les jeunes générations.

* Les agrégateurs de comptes, qui ont facilité la gestion courante à travers une vision consolidée des comptes et la gestion budgétaire.

* Les solutions d’épargne, d’investissement personnalisés, qui ont rendu plus accessible la gestion des fonds.

* Les solutions de financement participatif, qui ont favorisé l’émergence d’une offre plus large et transparente et un financement plus souple de l’économie réelle et des TPE / PME. Ainsi, la Fintech française October propose une plateforme de prêt direct aux PME qui a permis à plus de 500 entreprises d’emprunter 240 millions d’euros depuis sa création en 2014.

Les solutions de cashback et de fidélisation, qui ont permis aux clients de regagner du pouvoir d’achat au quotidien de manière simple et rapide. Ainsi Joko, Fintech créée en 2018 et qui vient de lever 1,6 million d’euros, octroie un gain de points automatique lors des achats courants en carte bancaire en vue d’obtenir des cartes cadeaux.

Le succès de ces Fintechs repose, en grande partie, sur le fait d’avoir compris la nécessité de placer l’expérience client au cœur de leur démarche en jouant la carte du confort d’utilisation auprès de leur public cible. Les trois commandements des Fintechs se résument ainsi : simplification, instantanéité et personnalisation.

Personnalisation et simplification

Au-delà de l’émergence de cette nouvelle concurrence, les acteurs bancaires traditionnels sont confrontés à plusieurs défis de taille. Résultat : l’environnement bancaire se complexifie, impliquant des surcoûts et, surtout, un rallongement des délais dans le traitement de certaines opérations relativement basiques (ouverture de compte, octroi de prêts…). Moins impactées par cet environnement réglementaire en perpétuelle mutation, les Fintechs se sont engouffrées dans la brèche et sont parvenues à tirer leur épingle du jeu en offrant une plus grande personnalisation du parcours client et une simplification des démarches administratives et commerciales.

Créées à partir d’une page blanche, les Fintechs ont également pu s’appuyer sur les dernières évolutions technologiques pour offrir des services digitaux à la pointe. Sur ce terrain les banques traditionnelles pâtissent de systèmes d’information complexes et coûteux à maintenir, ce qui ajoute de la lourdeur en termes de conformité. Ainsi, sur certaines briques de l’offre bancaire, les Fintechs débarquent sur le marché avec des offres plus simples et plus ajustées aux attentes des clients.

Le règne de l’instantanéité

De même, leur modèle économique et technologique leur permet de répondre, sous la pression des jeunes générations comme les « Millenials », au besoin d’instantanéité et d’accessibilité 24h sur 24 exprimé par le consommateur de services bancaires. Une nécessité alors que les consommateurs sont devenus plus mobiles, donc plus volatils, et que leurs besoins, y compris pour des services bancaires, sont de plus en plus ponctuels. Sur ce terrain, les Fintechs ont clairement réussi à se distinguer des banques traditionnelles dans leur capacité et leur rapidité à produire et proposer des offres simples et pertinentes à destination des particuliers.

Surtout, les Fintechs ont fait de la personnalisation de leurs offres et de leurs services l’une de leurs marques de fabrique. A une démarche centrée sur un produit proposé à des clients qui caractérisait l’offre traditionnelle d’une banque, les Fintechs ont substitué une démarche de co-construction de leurs offres avec leurs clients. En effet, les nouveaux acteurs mettent en place de modes novateurs de recueil des besoins et des attentes clientèle via des pilotes ou des hackathons et intègrent en permanence les retours des utilisateurs pour ajuster leurs offres, leur packaging. Le produit étant conçu avec l’utilisateur, celui-ci en devient l’ambassadeur ainsi qu’un client fidèle et valorisé.

Vers une coopération renforcée

Face à cette nouvelle concurrence, les banques de détail traditionnelles ne sont pourtant pas restées l’arme au pied. Même si la route est encore longue, elles redoublent d’efforts pour développer une expérience client plus moderne et pour replacer le client au cœur de leur démarche et de leurs processus. Surtout, même si les Fintechs ont bousculé les acteurs bancaires traditionnels, elles sont loin de les avoir détrônés. Malgré leurs gains de parts de marché, elles sont encore loin de constituer une réelle menace pour des acteurs bancaires bien installés dans le paysage. Et pour cause. Les Fintechs restent encore des acteurs de taille très modeste, dont le modèle économique est loin d’avoir atteint l’équilibre financier ou la rentabilité. Par ailleurs, malgré les récentes évolutions législatives à l’image du dispositif de mobilité bancaire inscrit dans la loi Macron de 2017, les particuliers sont encore très captifs avec leurs banques et les taux d’attrition demeurent contenus, même s’il est à noter que les 25-44 ans sont aujourd’hui moins fidèles que leurs aînés à leur banque. La mort de la banque de détail traditionnelle n’est donc pas pour demain.

Pour autant, ces nouveaux acteurs ne peuvent plus être ignorés tant leur dynamique de croissance est forte : selon France Fintech, les Fintechs françaises ont levé 390 millions d’euros au cours des 5 premiers mois de 2019 contre 370 millions en 2018. Plutôt que de s’engager dans la voie d’une concurrence frontale, les banques traditionnelles ont tout à gagner à jouer la carte des partenariats et rentrer dans une logique de coopération renforcée. Il s’agit de s’appuyer sur l’écosystème des Fintechs et de déterminer quels aspects de la relation client et de la chaîne de valeur seraient susceptibles d’être externalisés à une Fintech. Les modes de coopération sont alors multiples : marque blanche, partenariat, prise de participation…

Certains acteurs, à l’image de BNP Paribas ou de Crédit Agricole, n’hésitent pas à endosser le rôle d’incubateurs de ces jeunes pousses de la finance. Une bonne manière d’être aux avant-postes afin de bénéficier de nouvelles technologies et de nouvelles offres de services financiers. Et de se rapprocher de clients friands de nouvelles technologies.

A propos de Capco
Capco est un cabinet de conseil international en management et organisation spécialisé dans les services financiers. Créé en 1998, Capco possède 27 bureaux dans le monde répartis sur 4 continents. Les experts Capco se concentrent sur les changements complexes de l’industrie financière et excellent dans ce domaine grâce à une expertise pointue dans les métiers bancaires et les technologies.


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